J’ai eu le privilège d’assister au débat tenu à Montreal, le 8 septembre 2007, entre Me Osner Févry, pdg de Radio Sentinelle, et Dr Jean Fils-Aimé, auteur du livre Vodou, Je me souviens. (En passant, ce titre est en parallèle avec la devise inscrite sur toutes les plaques d’immatriculations de cette province canadienne: Québec: Je me souviens.) Dans son ouvrage et dans le débat en présence d'un millier de personnes, Dr Fils-Aimé soutient que “le vodou est la substance de la culture haïtienne” et que tout Haitien devrait vivre sa spiritualité, même la foi chrétienne, dans le contexte de son identité vodou.
Me Févry a ébranlé les fondements de cette hypothèse en remettant en question ses arguments historiques, philosophiques, ethnologiques et sociologiques. Févry soutient, par exemple, que l’événement du Bois Caïman (ou Bwa Kay Imam) n’était pas une cérémonie vodou, mais plutôt une “conjuration de chefs d’ateliers” pour préparer la révolte générale des esclaves de 1791. Févry a aussi dressé un tableau comparatif entre le vodou et le christianisme pour démontrer que le vodou dans ses pratiques ésotériques et fétichistes avilit ses adhérents par la peur et le mensonge tandis que la foi chrétienne libère les cœurs et fait la promotion du développement national.
Même si on est d’accord avec la position de Me Févry sur l’essence de la foi chrétienne et son apport à la vie nationale, il est regrettable qu’une partie de l’argumentation protestante était de critiquer ou même de ridiculiser la religion de milliers de concitoyens sur la base de pratiques jugées inférieures par rapport à une autre religion. Considérant que Févry lui-même concède que le vodou est un fait religieux, il aurait été plus édifiant de prendre beaucoup plus de temps pour clarifier les différences de cosmovision (worldview ou perspective philosophique) entre les deux systèmes de foi, tout en s’efforçant à persuader l’auditoire de la vérité (et de la meilleure adéquation) des affirmations de la perspective judéo-chrétienne concernant la source de l’identité culturelle, le problème fondamental du monde et la solution la plus appropriée.
De toute façon, le débat a permis aux croyants de constater pour eux-même jusqu’à quel point Dr Fils-Aimé s’est écarté de la foi évangélique: il prétend que le christianisme n’est autre qu’une secte juive parmi tant d’autres mais qui a eu la chance de survivre grâce à une alliance avec l’empire romain au IVe siècle, et que tous ceux qui pratiquent “l’amour, la joie et la justice” sont déjà sauvés. Févry pour sa part a réaffirmé les convictions des Réformateurs (Christ seul, la foi seule, la grâce seule) et la vérité biblique que le salut est en Jésus-Christ qui est mort et est ressuscité pour nos péchés. Les croyants évangéliques peuvent se rassurer qu’il n’y a pas là matière à ébranler leur foi et qu’il existe des informations ethnologiques et historiques valables pour contester les thèses du livre Vodou, Je me souviens. Me Févry a le mérite d’avoir représenté avec honneur et sagacité la position évangélique haïtienne.
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